Pour développer l’agriculture durable, les Canadiens ont besoin de davantage de soutien pour se convertir vers l’agriculture biologique
Une entrevue avec Rod MacRae, professeur et chercheur  en agriculture durable
Centre d’agriculture biologique du Canada
Rod MacRae est le fils d’un biochimiste spécialiste de l’agriculture et d’une diététiste. Son père, d’abord professeur à l’Université McGill, a été nommé recteur duCollège d’agriculture de Nouvelle-Écosse (entre 1972 et 1989). Enfant, il avait l’habitude de travailler sur la ferme familiale au Cap Breton. Mais MacRae a d’abord choisi d’étudier l’histoire à l’Université Acadia, à Wolfville en Nouvelle-Écosse. « J’essayais d’éviter l’agriculture; les enfants ne veulent pas faire la même chose que leurs parents » dit-il.Â
Mais après un stage en Afrique occidentale dans un projet de développement agricole,  il a réalisé vouloir poursuivre ses études en agriculture, au beau milieu de ses études de baccalauréat en histoire. Il a donc fait une maîtrise à l’Université McGill en sol et science.
Puis, il a à nouveau modifié son orientation. « J’étais surtout intéressé par les aspects sociaux, économiques et politiques des changements en agriculture » dit MacRae. Il a donc complété sa thèse de doctorat en 1991 en abordant les obstacles socio-économiques et institutionnels qui affectent les agriculteurs qui se convertissent à l’agriculture biologique. «J’arguais qu’il y avait des obstacles majeurs à la conversion vers l’agriculture biologique à l’intérieur du gouvernement, des institutions scientifiques et des agroentreprises; ma thèse portait sur la manière de changer cette dynamique afin d’inciter ces institutions à soutenir davantage l’agriculture biologique. »
Et encore aujourd’hui, malgré les progrès accomplis pour éliminer ces obstacles, le soutien n’est pas aussi important qu’il devrait l’être. Il y a des conseillers agricoles dans presque toutes les provinces et l’infrastructure pour la recherche et la vulgarisation a été améliorée. La Grappe scientifique biologique ralliant des chercheurs d’à travers le pays a été créée. Mais l’absence de soutien pour la conversion demeure un obstacle important. Le modèle actuel de vulgarisation fonctionne bien pour appliquer une approche ou une technologie particulière, mais fonctionne moins bien lorsqu’il s’agit d’appliquer un système. Et c’est essentiellement ce qu’est l’agriculture biologique.
«Il est crucial d’implanter des services-conseils spécifiques à la conversion vers l’agriculture biologique comparables à ce qui se fait dans l’UE, où les agriculteurs reçoivent du soutien pour développer leur plan de conversion,» commente MacRae.
Et pour vraiment joindre l’acte à la parole, il a écrit avec des collègues du CABC et le Wild Life Fund un rapport intitulé Ontario goes organic (l’Ontario se convertit au bio) dans lequel sont listés 32 changements aux politiques ontariennes requis pour développer l’agriculture biologique en Ontario.
Son implication dans le développement de l’agriculture biologique a commencé lors de la révision de la définition de la mention « biologique »dans le Guide d’étiquetage et de publicité d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) en 1987. La définition de « biologique » n’était pas très bonne et la tâche du secteur biologique était de modifier en collaboration cette définition; de là vint l’idée d’unifier le secteur et de créer une norme biologique nationale.
MacRae est néanmoins heureux du progrès accompli depuis le début des années 90; il reste des améliorations majeures à compléter, telles que la conservation de la biodiversité sur les fermes, soit l’optimisation des espaces dits non productifs sur les fermes biologiques, tels que les marais; il y a aussi des enjeux liés à la main d’œuvre et à l’équité et au bien-être animal, et des défis liés à l’échelle de production, aux coûts de la certification et à la capacité des organismes de certification de fournir des services à des prix abordables de façon à ce qu’ils puissent en vivre. Mais MacRae est optimiste quant à l’avenir de l’agriculture biologique et se dit toujours heureux de travailler directement à la ferme avec les agriculteurs.
“L’agriculture biologique est attrayante à cause de son potentiel financier; il y a une réduction du coût des intrants et une prime à encaisser lorsque vous êtes certifié. L’agriculture biologique n’est pas l’expression ultime de la production durable, mais elle offre un bel équilibre entre les dimensions écologiques et financières qui fait en sorte que les gens puissent en vivre. »
Outre son travail d’enseignant à l’Université York et de conseiller auprès des étudiants des cycles supérieurs, MacRae fait de la recherche sur la conversion vers d’autres formes d’agriculture durable incluant la gestion intégrée de la lutte antiparasitaire ou le développement des systèmes basés sur le pâturage. Il est également préoccupé par l’importance accorde aux OGM pour développer l’industrie agricole. «Le gouvernement continue de croire que le marché des produits biologiques est un marché de niche, et non un processus de transformation pour créer un système alimentaire plus durable... »
Son but à long terme, qui ne sera vraisemblablement pas atteint de son vivant,  est d’établir au Canada un système alimentaire durable, où chacun aura accès à des aliments à prix abordable produits de façon durable. La production biologique occupera de 10 % à 20 % du marché, entraînant les autres écoles vers des pratiques plus durables.
Rod MacRae est l’un des chercheurs participants à la Grappe scientifique biologique. Â
Cet article a été rédigé par Nicole Boudreau, , pour le CABC grâce au soutien financier de la Grappe scientifique biologique du Canada (une partie de l’ du Cadre stratégique Cultivons l’avenir d’Agriculture et agroalimentaire Canada. La Grappe scientifique biologique est le fruit du travail de coopération accompli conjointement par le CABC, la et les partenaires de l’industrie.