Une passion pour les nouvelles variétés
Stephen Fox, un sélectionneur de blé canadien
Centre d’agriculture biologique du Canada
Dans son programme de sélection du blé roux de printemps de l’Ouest canadien au Centre de recherches sur les céréales d’Agriculture et Agroalimentaire Canada de Winnipeg, Stephen Fox supervise chaque année autour de 12 000 parcelles de détermination du rendement de 3 à 4 m2 et environ 35 000 rangées de multiplication dans l'Ouest canadien ; il recueille des données pour identifier les nouvelles variétés de blé qui donneront de meilleurs rendements, seront plus résistantes aux maladies et aux insectes et à amélioreront la productivité agricole canadienne.
Les exploitants qui cultivent, vendent et achètent du blé canadien font de nombreuses suggestions pour améliorer les cultivars qu’ils utilisent. En tant que chercheur, Stephen Fox conçoit son programme de sélection pour répondre à ces objectifs. Construire un programme de sélection requiert du temps, car cela comprend de 8 à 12 générations de matériel; Fox fait donc des croisements, observe les populations en ségrégation, chaque génération étant 50 % plus consanguine que la dernière; après la 7e génération, la nouvelle lignée est suffisamment consanguine et peut potentiellement devenir un nouveau cultivar. Cependant, 6 années additionnelles sont généralement nécessaires pour tester et identifier un nouveau cultivar apte à être enregistré. «Une fois l’enregistrement fait, le producteur de semences peut commencer à multiplier les semences du cultivar à des fins commerciales», explique Fox.
La multiplication des semences nécessite trois ans de plus en temps et investissement avant qu'elles ne soient mises en marché. Si la nouvelle variété ne fonctionne pas aussi bien que prévu, les frais d'investissement sont perdus et ne peuvent être récupérés. Alors Fox travaille d'arrache-pied pour s'assurer que les données utilisées pour décider d'enregistrer une variété sont de bonne qualité.
"Je mesure ma réussite en enquêtant sur mes variétés ; si les agriculteurs cultivent mes variétés, alors c’est que je fais du bon travail. Ceci est plus important pour moi que de compter le nombre de mes publications scientifiques. Je suis fier quand les agriculteurs cultivent mes variétés. J'aime ça. "
En 2004, après avoir assisté à un séminaire champêtre sur l’agriculture biologique organisé par le Dr Martin Entz, Stephen Fox a entrepris de sélectionner des cultivars spécifiques pour la production biologique. L'agroécologie de l’agriculture biologique est différente ; la disponibilité des nutriments y est restreinte, la microflore du sol est différente et la pression exercée par les mauvaises herbes est une contrainte importante. Sept ans plus tard, et disposant maintenant d’un programme de sélection de blé biologique avec toutes les générations en place (F2 à F9), Fox offre son savoir-faire en génétique et sélection de variétés pour identifier les variétés qui sont les mieux adaptées aux conditions de croissance en production biologique. Mais jusqu'à maintenant, Fox ne peut pas confirmer que les terres biologiques sont suffisamment différentes pour justifier la sélection de variétés spécifiques à ce type de production. "Beaucoup de choses sont les mêmes entre les lignées conventionnelles et biologiques, ce n'est pas une tâche facile de déterminer ce qui est différent. Nous sommes à la recherche des caractéristiques physiologiques des variétés plus seyantes en production biologique qu’en production conventionnelle, mais nous ne savons pas encore ce que ces caractéristiques sont. "
Le programme de sélection générera idéalement des cultures à rendements élevés cultivées sous régie biologique; il sera alors possible d'étudier pourquoi elles sont mieux adaptées, et la nature des caractéristiques que ces plantes possèdent et que les cultivars cultivés conventionnement n'ont pas. "Certaines des variétés conventionnelles s’adaptent très bien en production biologique, d’autres ne s’y adaptent pas. Les facteurs qui conditionnent l'adaptation aux conditions plus stressantes sous régie biologique ne sont pas vraiment compris pour le moment », confirme Fox.
Fox observe que les caractéristiques de certaines plantes peuvent être appréciées différemment entre les systèmes agricoles conventionnels et biologiques. À titre d'exemple, les plantes plus courtes sont préférées en agriculture conventionnelle, car elles tendent à être plus résistantes à la verse tout en soutenant des épis plus lourds. En production biologique, les plantes plus hautes peuvent être plus appropriées, car elles peuvent mieux concurrencer les mauvaises herbes, tout en tendant à croître moins en hauteur en raison des contraintes en éléments nutritifs.
Certains cultivars sous régie biologique ont tendance à tolérer la concurrence des mauvaises herbes, tandis que d'autres ne s’adaptent pas. Pourquoi certains types de mauvaises herbes peuvent-elles aider les cultures à se développer ou, au contraire, les inhiber n'est pas clair non plus. La microflore est plus diversifiée dans les sols biologiques, mais comment ces organismes ont un impact direct sur la plante et sur ses performances de rendement n’est pas clair, même s’il est admis que certaines variétés seraient en mesure de mieux profiter de l’association synergique champignons-plantes.
Mais Fox est patient. "Je dirige un programme de sélection assez important; avoir du matériel à différents endroits permet de protéger le programme et prévient la perte de l’ensemble du matériel, en plus d’assurer l’obtention d’une quantité suffisante de données pour prendre les bonnes décisions chaque année. Les programmes de sélection fonctionnent en générant une grande quantité de matériel de ségrégation; vous l’observez et décidez quelles lignées vous souhaitez conserver. Généralement, vous jetez chaque année environ 80 % de votre programme de sélection en étant guidé par les bonnes données qui vous permettent de prendre ces décisions. Vous devez avoir de bonnes informations pour progresser."
Un programme de sélection s’embourbe lorsque l'information pertinente ne peut être obtenue. Si le temps est trop sec, l'évaluation de la résistance aux maladies ne peut pas être concluante ; si un emplacement est fortement endommagé par le vent, la résistance à la verse ne peut être estimée; les céréales atteintes par le gel ne peuvent être utilisées pour prendre des décisions relatives à la qualité des grains. Disposer de multiples emplacements permet donc de contourner ces obstacles et offre l’opportunité d’imposer aux plantes des conditions de stress particulières difficiles à créer dans une pépinière de sélection.
« Le pire résultat de notre programme de sélection de blé biologique serait de découvrir que les environnements conventionnels et biologiques ne diffèrent pas ; si vous arguez qu’ils sont les mêmes, je n’aurai fait que davantage de sélection de blé, ce qui n'est pas si mal" , dit Fox, qui est le leader du projet de recherche Amélioration génétique des cultures de céréales biologiques de la Grappe scientifique biologique, un projet géré par le CABC. Toutefois, il croit que dans le processus de création de nouveau matériel génétique pour l'agriculture biologique, ces matériaux seront utiles pour démontrer le processus d'adaptation à la production biologique et serviront de base pour des projets de recherche visant à élucider ce que sont ces facteurs d'adaptation.
La régie biologique impose également certaines limites au programme de sélection en place. AAC a une pépinière d'hiver en Nouvelle-Zélande qui est utilisée par les programmes de sélection conventionnels afin de cultiver chaque année une génération supplémentaire et ainsi accélérer la vitesse à laquelle la sélection peut être faite. Cependant, le matériel de sélection biologique ne peut pas être introduit dans d'autres pays, parce que les semences doivent préalablement être traitées avec un pesticide pour empêcher le transfert de maladies transmises par les semences. Et si la semence a été transférée en contre-saison dans un nouvel environnement, les producteurs biologiques de ces emplacements ne voudront pas utiliser des semences traitées sur leurs terres biologiques.
Étant sensible aux enjeux environnementaux, Fox prévoit équiper sa maison de Winnipeg d’un système neutre en carbone pour y chauffer l'eau et l’air; il prévoit également construire un collecteur de pluie et fait du compostage depuis de nombreuses années. Utiliser moins de ressources et les utiliser judicieusement lui semble tout à fait logique.
Il rêve d'être le meilleur sélectionneur de blé de l'Ouest du Canada et que les Jets de Winnipeg remportent la Coupe Stanley. Le Canada offrira donc la meilleure variété de blé pour nourrir ses joueurs de hockey. Comme il est très dévoué à son travail, nous pourrions suggérer à Fox de développer des programmes de sélection pour les joueurs de hockey – il existe déjà une variété de blé appelée « Kane » ; or l’un des joueurs vedettes des Jets est Evander Kane ....
Cet article a été rédigé par Nicole Boudreau, , pour le CABC grâce au soutien financier de la Grappe scientifique biologique du Canada (une partie de l’ du Cadre stratégique Cultivons l’avenir d’Agriculture et agroalimentaire Canada. La Grappe scientifique biologique est le fruit du travail de coopération accompli conjointement par le CABC, la et les partenaires de l’industrie.