Un paillis de cellulose pour lutter contre les ravageurs et les mauvaises herbes dans les pommeraies biologiques
Centre d'agriculture biologique du Canada
Devant la hausse du nombre de Canadiens qui souhaitent consommer des fruits locaux et biologiques, les agriculteurs du pays se doivent d’augmenter l’offre de tels fruits. Le défi consiste à encourager davantage d’agriculteurs à effectuer une transition vers la production biologique. Mais cette transition s’accompagne de changements majeurs en matière de gestion culturale, car à l'heure actuelle, la fruiticulture non biologique ou « conventionnelle » dépend d'intrants chimiques pour lutter contre les insectes, les maladies des plantes et les mauvaises herbes. Heureusement, des chercheurs canadiens aident les producteurs en trouvant des façons d’exploiter les vergers sans recourir à ces intrants.
L’un des projets de recherche a Ă©tudiĂ© l’utilisation de paillis de cellulose dans des pommeraies en rĂ©ponse Ă trois problèmes diffĂ©rents. Diane Benoit, du Centre de recherche et de dĂ©veloppement en horticulture au QuĂ©bec, et une Ă©quipe de chercheurs ont suivi pendant quatre ans les effets d’un paillis de papier kraft spĂ©cialement conçu sur les mauvaises herbes et deux ennemis du verger, l’hoplocampe de la pomme et un scarabĂ©e; le charançon de la prune. Les rĂ©sultats de l’étude, intitulĂ©e « Management of weeds, apple sawfly (Hoplocampa testudinea Klug) and plum curcuclio (Conotrachelus nenuphar Herbst) with cellulose sheeting », sont parus dans °ä°ů´Ç±čĚý±Ę°ů´ÇłŮ±đł¦łŮľ±´Ç˛Ô ±đ˛ÔĚý2006.
L’hoplocampe de la pomme est arrivé d’Europe récemment et a colonisé tout l’est du Canada. Le charançon de la prune, par contre, est originaire d'Amérique du Nord. Au stade larvaire, les deux insectes passent une partie de leur cycle de vie dans les fruits non mûrs et entraînent généralement la chute de ces fruits. Les larves se transforment en pupe dans le sol, puis les nouveaux adultes apparaissent et pondent dans les pommiers. Les deux espèces hivernent différemment : le charançon passe la saison froide au stade adulte, alors que l'hoplocampe s’enfouit dans le sol au stade de la pupe et émerge, adulte, au printemps suivant.
Les mauvaises herbes constituent un problème supplémentaire pour les agriculteurs biologiques, car elles concurrencent les arbres pour l’eau et les nutriments. Dans les vergers conventionnels, les fruiticulteurs appliquent généralement des herbicides, mais les herbicides de synthèse ne sont pas autorisés en régie biologique. Les fruiticulteurs biologiques doivent donc trouver d’autres solutions.
L’une de ces solutions pourrait faire d'une pierre trois coups en résolvant l'ensemble des problèmes susmentionnés. Elle repose sur le principe suivant : empêcher les mauvaises herbes de lever et les insectes de pénétrer dans le sol. La docteure Benoit et son équipe l’ont testée en couvrant le verger étudié d'épaisses feuilles de cellulose. Les résultats ont été concluants.
Il convient de souligner que les feuilles utilisées étaient particulières : épaisses de 15 mm, constituées de papier kraft pris en sandwich entre deux couches biodégradables d’acide polylactique, elles étaient claires d’un côté et noires de l’autre. Les chercheurs ont établi que le « paillis » ainsi constitué a réduit l'émergence des charançons de la prune de 47 à  100 % trois années sur quatre. L’émergence de l’hoplocampe de la pomme a diminué de 60 à  95 % deux années sur quatre.
En ce qui concerne les mauvaises herbes, les feuilles de cellulose se sont également avérées utiles. Aucun pied n’a été observé sur les feuilles nouvellement remplacées en été et à l’automne. La quantité de graines de mauvaises herbes dans le sol a de surcroît diminué.
Mais une solution aussi simple s’accompagne nécessairement de restrictions. En effet, les feuilles de cellulose se biodégradent en moins d’un an; elles doivent être remplacées régulièrement. De plus, les chercheurs ont observé que la biodégradation était plus rapide lorsque des fruits, des feuilles ou de l’eau s’accumulaient sur le paillis. Les mauvaises herbes pouvaient alors s'établir avant le printemps suivant et les insectes, se transformer en pupe dans les matières accumulées ou dans le sol, là où le paillis s’était décomposé.
L’équipe a néanmoins trouvé un moyen de pallier la faiblesse du paillis : retirer les fruits tombés au début de juillet. Dans de petits vergers, le moyen est applicable, mais à grande échelle, il devrait être mécanisé pour demeurer faisable.
Mais le jeu (l’effort) en vaudrait la chandelle : les feuilles de cellulose semblent si efficaces que leur utilisation pendant plusieurs années consécutives pourrait temporairement éradiquer les insectes nuisibles. Une fois les populations de ravageurs et de mauvaises herbes réduites, le fruiticulteur pourrait arrêter de poser les feuilles quelques années, tant que les insectes demeureraient peu nombreux.
Malheureusement, les feuilles de cellulose appliquées dans l’expérience ne sont pas commercialisées. L’entreprise qui les fabriquait n’a pas poursuivi le développement du produit. Cela n’empêche pas les producteurs de mettre en œuvre les résultats de l'étude en utilisant, par exemple, des paillis similaires (à base de papier) disponibles sur le marché. D’autres paillis méritent d’être testés; l’essentiel est d’interrompre le cycle de vie des deux espèces d’insectes et des mauvaises herbes. Les paillis ne sont qu’un élément du coffre à outils du producteur biologique!
Cet article a été rédigé par Kristine Hammel pour le CABC grâce au soutien financier de la Grappe scientifique biologique du Canada (une partie de l’ du Cadre stratégique Cultivons l’avenir d’Agriculture et agroalimentaire Canada. La Grappe scientifique biologique est le fruit du travail de coopération accompli conjointement par le CABC, la et les partenaires de l’industrie.